Petit ou grand, on a tous nos aliments préférés. Et nos aliments qu’on préfère éviter… Certains enfants, comme certains adultes, ont une zone de confort plus étroite, sans pour autant poser problème. Ces préférences sont souvent plus présentes chez les enfants, qui découvrent encore les aliments, et peuvent malheureusement être cause de défis dans la planification alimentaire des parents, mais aussi de conflits à l’heure des repas.
On parle de sélectivité alimentaire quand un enfant accepte très peu d’aliments (souvent 20 ou moins). Certains enfants dits “difficiles” ne mangeront que de petites portions. Par contre, d’autres peuvent manger en quantité suffisante, mais se limiteront à quelques aliments seulement. Ces deux situations augmentent le risque de carences nutritionnelles chez l’enfant. Il est donc essentiel d’adresser cette problématique, non seulement pour éviter ou corriger des carences en nutriments, mais aussi pour vous permettre de retrouver le plaisir de manger en famille.
Ce comportement peut être influencé par plusieurs éléments
Le tempérament de l’enfant, l’environnement familial ou même la génétique. L’un des facteurs principaux est la sensibilité sensorielle. Certains enfants perçoivent les textures, les goûts et les odeurs de façon beaucoup plus intense. Une petite variation qui passerait complètement inaperçue pour nous peut devenir très désagréable pour eux. Ce n’est donc pas une question de mauvaise volonté, mais bien une réaction réelle à un inconfort sensoriel.
Les enfants qui présentent de la sélectivité alimentaire préfèrent souvent les aliments beiges : pain, pâtes, riz, croquettes de poulet, purée, craquelins… En fait, cette préférence est bien logique – on pourrait même dire qu’elle fait bien du sens (). Ces aliments sont, naturellement ou parce qu’ils ont été conçus comme ça, très constants. Leur forme, leur texture, leur goût changent très peu d’une bouchée à l’autre, ou d’un repas à l’autre. Une croquette de poulet de marque X aura toujours la même apparence, la même panure croustillante et la même saveur familière.
Ce n’est pas le cas des fruits et légumes. Prenons les bleuets, par exemple. Certains sont petits, fermes et acidulés. D’autres sont plus gros, sucrés et pâteux. Comme adultes, on est habitués à ces variations. On ne s’en rend même plus compte. Mais pour un enfant, ces petits changements sensoriels sont très perceptibles, et parfois dérangeants: Un aliment qui ne correspond pas à l’attente sensorielle qu’il avait (trop mou, pas assez sucré, un goût différent) peut être rapidement rayé de la liste des aliments sécuritaires.
Le chaînage alimentaire
Il est tout à fait possible de passer du beige à plus coloré! Une stratégie à essayer s’appelle le chaînage alimentaire. Le but de cette stratégie est de faire comprendre à l’enfant que la variation n’est pas toujours une expérience négative, en prenant un aliment que l’enfant aime déjà, et en le transformant très graduellement vers un aliment qu’on souhaite introduire.
Exemple :
Votre enfant aime les pâtes blanches nature, mais refuse la sauce bolognaise?
Voici à quoi ça pourrait ressembler :
- Ajouter une petite cuillère de sauce tomate sur les pâtes.
- Augmenter la quantité de sauce, doucement, selon ce qu’il accepte.
- Une fois la sauce tomate bien tolérée, commencer à y ajouter un peu de sauce bolognaise mise en purée.
- Augmenter la quantité de sauce bolognaise et diminuer la sauce tomate, petit à petit.
- Malaxer de moins en moins la bolognaise, jusqu’à arriver à la texture originale de la sauce.
Si une étape bloque?
Ce n’est pas grave. On recule d’un cran et on se demande : y aurait-il une étape intermédiaire qu’on a sautée? Peut-être que la sauce était trop épaisse, ou trop rouge, ou avait des morceaux visibles. Pour nous, adultes, ces différences semblent mineures. Mais pour un enfant, chaque petit détail compte.
Changer les habitudes alimentaires d’un enfant, ça prend du temps. Ce n’est pas en deux repas qu’un aliment rejeté devient soudainement adoré. Mais avec de la patience, de la constance et surtout, une approche sans pression, les choses peuvent évoluer.
Et si vous vous sentez dépassé·e? Ce n’est pas un échec. Il n’y a aucune honte à demander un coup de pouce. Une nutritionniste peut vous aider à trouver des stratégies adaptées à votre famille, sans culpabilité ni stress.
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Jasmine Brousseau
Nutritionniste